Hugh Lane Gallery - Dublin.
Visiter une capitale européenne en un week-end, ça peut se faire. En un an, c'est mieux. J'ai donc décidé d'en profiter au maximum, de ne pas être timide (résolution vachement dure à tenir, pour le moment !) et de visiter pleiiin de trucs ! Je n'ai pas toujours le réflexe appareil photo, mais dans ce cas précis, il n'était pas autorisé...
Dimanche dernier, après une longue matinée au lit, s'est posée la question de : "quoi faire de ma journée ?" Certains musées dublinois sont gratuits pour tout le monde, tout le temps - je pense notamment aux fabuleux National Museums of Ireland et notamment celui consacré à l'archéologie, qui me verra souvent... - mais j'avais envie d'un truc plus petit, plus intime. Après une vérification des environs, il s'est avéré que le musée d'art moderne et contemporain, fondé par Mr. Hugh Lane en 1908, est à deux pas et est gratuit, lui aussi. Un imperméable plus tard, me voilà devant le bâtiment, tout près du Garden of Remembrance.
Première impression : c'est comme le Louvre ou le MAN, pas de moyens donc premier étage fermé. Jusque là je suis en terrain connu ! Là où ça se corse, c'est au niveau de l'exposition temporaire du moment, intitulée Revolutionary States - Home Rule & Modern Ireland. Alors oui, j'habite maintenant à Dublin et j'ai des notions d'histoire irlandaise (the Fenian, la proclamation de la République en 1949, la grande famine et les patates au XIXe siècle, tout ça dans un ordre qui n'est pas le bon) mais pour le coup, ça devenait trop précis pour pouvoir tout suivre. Que nenni ! A chaque salle, un grand panneau explique le contexte historique et aide à se replonger dans les luttes entre Irlandais et Anglais... et entre Irlandais et Irlandais. C'est pas simple.
Puisque l'on est dans un musée d'art, l'exposition historique prend appui sur les peintures et sculptures issues des collections de la galerie. C'est ainsi que je suis tombée amoureuse des portraits de John B. Yeats. Littéralement. J'ai vibré devant chacun d'eux... ce qui est d'autant plus troublant que je suis tout autant amoureuse des poèmes de son fils, William. L'inconscient, peut-être ? Pas forcément. En restant dix bonnes minutes devant le portrait de John Millington Synge, je me suis rendue compte qu'il y a deux choses qui m'attirent énormément chez Yeats.
Toutes les reproductions appartiennent à la Hugh Lane Gallery.
D'abord son sens du mouvement. Dans ce portrait-ci, mais il n'est pas le seul, les mains sont légèrement floutées, comme si le modèle n'avait pas pu résister et devait absolument bouger. Les mains et le regard rendent le personnage très proche, on le sent volontaire, présent, fort en gueule... Je suis un peu déçue de ne pas pouvoir retranscrire mes émotions face à ce tableau, j'en avais les larmes aux yeux - ça paraît con, moi ça m'arrive souvent dans un musée =)
Ensuite les fronts. Ca paraît encore plus con, je crois... mais si l'on regarde bien, chaque portrait brossé par Yeats - et le terme "brosser" colle parfaitement à la réalité - semble un peu fait à la va-vite... ce n'est pas une critique, au contraire. Comme si le peintre devait passer à autre chose rapidement et transcrivait sa hâte dans les flous et les bords de la toile, bien moins travaillés que le reste. Mais les fronts... ils sont d'une netteté incroyable, chacun d'eux ! D'ordinaire, il suffit de retourner au Titien pour s'en rendre compte, la lumière se focalise sur les mains et les yeux, les taches blanches des vêtements. C'est par exemple le cas dans le portrait de Standish O'Grady : certes, son col et ses mains sont mis en valeur, c'est un tableau classique... mais quand on se trouve devant, physiquement, c'est le front qui saute aux yeux. Aux miens, en tout cas. Je n'avais été particulièrement attirée par les fronts, avant, mais je vais m'y mettre !
Je me rends compte, encore une fois, que j'ai écrit un pavé à propos d'un "petit" truc... en effet, il n'y avait pas que Yeats, dans ce musée, loin de là ! J'ai découvert Nathaniel Hone, par exemple, qui a réussi à me donner autant de frissons qu'un Turner. Autant dire que c'est un bon. Comme j'ai déjà échoué à raconter mes sentiments - et qu'en plus je suis trop bavarde, je vais me contenter d'un paysage, et c'est tout...
Nathaniel Hone, The Coast of County Clare.
Et tant pis pour Corot ou tous les artistes irlandais contemporains que j'ai pu découvrir. Si vous voulez voir tout ça vous-même, vous savez où venir ! Et même où loger, petits chanceux =)