Michael Kohlhaas
Encore un article qui a dû mûrir pendant une semaine... et pour cause. Il a fallu digérer le film d'abord.
Mads Mikkelsen, le beau gosse de 47 ans.
Michael Kohlhaas. L'OVNI inattendu, soulevé par Juliette, sur FB. Je n'en avais entendu parler nulle part, aucune affiche, aucune annonce. Le casting n'est pas impressionnant, si l'on omet le grand Mads Mikkelsen dans le rôle principal -qui joue en français, excusez du peu !
Le film est avant tout un roman d'Heinrich von Kleist, publié en 1810. Alors qu'il est assez court - l'édition française ne compte que 150 pages environ ; le film d'Arnaud des Paillères dure deux heures. Deux heures de paysages à couper le souffle, des Cévennes au château d'Aujac, dans le Gard.
Paie ton paysage de foufoufou !
Mais s'il n'y avait que les paysages... Au risque de spoiler, autant dévoiler un peu l'intrigue. L'histoire se déroule dans les Cévennes, au XVIe siècle. Michael Kohlhaas est un marchand de chevaux, qui s'apprête à aller en vendre quelques-uns dans une foire où il a l'habitude de se rendre. Il est arrêté à un nouveau péage, dressé par le baron des lieux. Alors qu'il n'a pas d'argent sur lui, il laisse deux chevaux et un valet, César, en gage, aux hommes du baron -l'excellent Swann Arlaud, qui est ultra-mignon. Le problème, c'est que les chevaux sont maltraités. Kohlhaas réclame justice mais le baron a des amis magistrats... et la plainte est déboutée. Alors que le personnage incarné par Mikkelsen veut aller à la cour réclamer son dû, sa femme le persuade d'y aller à sa place. Elle est ramenée toute moribonde, et meurt peu de temps après. Kohlhaas assemble alors une petite troupe pour se venger et faire rétablir la justice.
"C'est pour maman que tu fais ça ?
- Non.
- Pour les chevaux ?
- Non."
La critique du Monde a parlé d'un film-western, tout comme L'aigle de la neuvième légion (2011) l'était dans un cadre romano-picte. Michael Kohlhaas est seul, même s'il est accompagné de sa fille et d'une troupe de paysans mutiques. Sa révolte contre l'injustice commence peut-être avec les chevaux, se poursuit sans doute à cause du meurtre de sa femme... et ne s'arrête pas tout à fait comme le veut le livre. A un moment, alertée par cette révolte, la princesse d'Angoulême (qui joue tellement bien qu'elle en devient flippante) mande un théologien protestant pour raisonner Kohlhaas. Les arguments du religieux ébranlent un peu le marchand mais rien n'y fait. Du western, on retrouve les vastes plaines, le silence et la fidélité qu'on accorde à un homme, non à un seigneur.
Je ne suis pas spécialiste de la période, mais il me semble que le film de des Paillères montre bien l'ambiance du XVIe siècle. Certains plans font penser à des tableaux, de même que Le dessert de gaufrettes du peintre Lubin Baugin se retrouve parfaitement mis en scène dans Tous les matins du monde (1991). Ce film est fort, comme un livre qui prend aux tripes, par l'histoire, les paysages, le jeu des acteurs -même la petiote Mélusine Mayance est grandiose. De mon point de vue, c'est le film de 2013, celui à voir et à revoir comme on se replonge avec un peu d'appréhension dans un chef d'oeuvre de littérature. Courez-y.